Réflexion d’un mûrier platane ; entretien
Aaahhhrrrggg ! Onomatopée signifiant je m’étrangle, je m’étouffe ! Et intérieurement, je peste, je vomis, j’enrage. Mais quel acte barbare !
Quizz : je suis planté dans un sol médiocre, on bétonne ou goudronne le pied, on me martyrise à coups de parechocs – les chocs sont pour moi – on me fait tous les ans une coupe d’incorporation, ceux qui ont fait le service militaire comprendront, je suis, je suis… Le mûrier platane, sur un parking !
Résumé des épisodes précédents
« Par un bel après-midi d’automne, les hirondelles ayant quitté la lande pour une autre contrée bienveillante, je suis, avec une bande de copains, livré sur le chantier finissant du nouveau
super marché. Quelques joyeux drilles nous placent chacun dans un trou que je trouve petit mais coquet, bien que la couleur intérieure me fasse plus penser à un champ de galets qu’à une terre de forêt. Mais je saurai m’adapter.
Les racines sont installées et recouverte d’un mélange, heu, comment dirais-je, inhabituel. Je ne sais ce qu’est cette terre mais elle semble bien différente de ce que j’ai connu en pépinière. J’ai comme un coup de blues. Tu es où mon papa ?
L’inquiétude
Je sens chez mes potes la même inquiétude. Chez certains la désillusion a remplacé la joie première du voyage. Le jour nous quitte, comme les camions. Après un rebouchage rapide, un tassement à coup de pieds et un arrosage frugal, le silence de la nuit apporte son cortège de questions et d’angoisses.
« Nous sommes donc ici pour prospérer et faire de l’ombre, c’est notre devoir notre condition d’arbre ! Hardi les copains ! Prospérons et développons notre ramure salutaire ! » Mon discours ne convainc personne, pas même moi.
Lorsque le lendemain, les camions reviennent poser des bordures autour de notre pied, nous protestons tous en cœur. Un mètre carré de terre libre ? Et le reste du sol ? La réponse ne se fit pas attendre ; les goudronneuses officièrent.
Les années ont passé. Nous sommes des piquets avec une ramure raillée par les oiseaux qui nous ont délaissé. Nous rêvions d’apporter une ombre salutaire. C’était sans compter sur notre ennemi juré, le pourfendeur d’espoir, l’anéantisseur de développement durable, de développement tout court, le trouble-fête, le briseur de rêve et d’espérance, j’ai nommé le sécateur. Un tel outil mis dans les mains d’un inconscient et c’est la mort prématurée, le désert qui avance, le règne végétal réduit à un champ de poteaux téléphoniques sans les fils ! Eh oui, triste constat… mais l’horreur n’en avait pas fini de nous tourmenter.
La torture
C’est alors que germe dans un esprit de malade, l’idée saugrenue de nous tailler avant même que la saison des pleurs ne commence. En fin d’été, oui Monsieur ! En fin d’été, alors que nos fabricantes de réserve pour l’hiver qui n’avaient pas encore fini leur action oxygénante, nos jolies feuilles vertes, des inconscients débarquent avec leurs engins de mort ! Et un coup de scie par ici, un coup de tronçonneuse par là. A la fin de la journée, nous étions nus. Nous pleurions notre sève par toutes les plaies de notre ramure. Pas de réserve pour la saison froide. Déjà que toute l’année nous n’avions ni eau ni nourriture dans une terre morte. Le peu de pluie nous apportait un mélange d’hydrocarbure et de particules inconnues de nos racines.
Ça fait 25 ans que je suis au même endroit. Certes, je porte de l’ombre mais sur 3 m². Cependant, tous les ans, nous devons refaire du bois pour remplacer celui que l’on nous a ôté sans raison. Je ne sais pas si nous faisons partie du 1% culturel. Mais permettez-moi de douter d’une culture qui détruit ce qu’elle met en place. Fallait nous laisser dans notre pépinière, là où les oiseaux et les insectes venaient faire la fête.
Je m’endors pour quelques mois et si j’y parviens je ferais de nouvelles feuilles pour apporter à ce monde ma dose d’oxygène et d’ombre. Je ne suis pas rancunier. Juste triste. Profondément triste. »
Pour en savoir plus sur la taille du mûrier platane et sur ce qu’il ne faut pas faire
Mûrier platane, son entretien
Laissons le mûrier à sa réflexion bio-philosophique et revenons à une constatation ;
Mûrier platane, entretien en ville
Le risque de fragiliser les branches charpentières par la/les tailles est grand. Si celles-ci sont faibles, elles ne peuvent plus supporter le poids des nouvelles branches. Il y a risque de casse et de dégâts dessous. L’arbre est condamné à être taillé régulièrement, pour alléger le poids supporté par les charpentières. En d’autres termes, l’arbre est affaibli, voire condamné à plus ou moins long terme. Pour rappel, plus le diamètre de la branche taillée est important, plus la cicatrisation est longue. Durant ce temps, la branche n’est pas protégée des parasites et aléas climatiques.
Les arbres d’ombrage, comme leur nom l’indique, apportent de l’ombre, de la fraîcheur, font remonter l’hygrométrie, fixent les poussières… Ils abritent une faune souvent spécifique à l’espèce. Leur système racinaire fixe les sols, puise l’eau en profondeur.
Il est primordial de connaître le développement des espèces végétales (hauteur, diamètre, système racinaire profond ou traçant…), leur résistance (vent, froid, neige, sécheresse…) et leur qualité esthétique avant de procéder aux plantations. Connaître leurs besoins évitent donc de pratiquer un entretien non conforme à l’espèce choisie. Ceci étant une règle générale pour chaque végétal planté en ville.
Une fiche d’entretien pour chaque arbre ou groupe d’arbres par quartier est indispensable afin de préserver ce petit bout de nature en agglomération, pour le bien de tous.