Ali et le bio
J’ai un copain qui s’appelle Ali. Il ne parle pas bien le français mais toujours mieux que moi l’arabe. IL est en droit de prendre sa retraite mais continue à bosser pour subvenir aux besoins de sa famille. Courageux car maçon ! Le sac de ciment ne lui a jamais fait peur. Mêmes si désormais les douleurs sont bien réelles, il les accepte et les gèrent. J’ai un profond respect pour cet homme au visage ridé, souvent par le sourire.
Nous avons de grandes discussions avec mon copain Ali. Entre la philo et le pragmatisme, avec des pointes de rêve, de poésie et parfois de révolte contenue.
Je lui racontais ma venue dans un magasin bio.
- Tu te rends compte Ali ? les pêches sont à 7.90 € le kilo. Je ne peux pas m’acheter ça !
- Ti plantes dan ti jardi di pichis i t’aura di piches
- Mais ça pousse pas chez moi le pêcher. J’ai essayé mais ça vient pas bien. Les pommes et les prunes oui ça va bien.
- Ti plantes dans ti jardi, encore di prunes et di pommes. Ti vends li surplus i avic l’argent ti achite li piches !
Quand je vous dis que nos discussions peuvent être pragmatiques.
Ali m’explique que la viande il en mange tous les jours au restaurant. Son métier l’oblige à partager le repas du midi avec ses pairs de chantier, car souvent en déplacement. La viande d’Ali, c’est toujours un steack ! parce que c’est du bœuf et que le bœuf ça donne de la force.
- A li mison, li femme, i fi tijours li ligoumes. Di fois des boulettes mi pas sivent. I li un pi ti pi vigitarienne, i bio !
- On dit végane maintenant Ali ! Mais j’ai compris. ET tu ne manges pas de cochon parce que tu ne veux pas être bête comme cochon ?
- Ci ça !
- Tu sais que le bœuf c’est de la vache. La vache quand on la tue, ça devient un bœuf !
- Ti dis di conneries ! li bouf, ci li toro qui l’a plu les coucougnittes !
- Si tu le dis… N’empêche que les pèches bio elles sont chères. La viande bio aussi !
- Ti mange trop di viande !
- Ah ben ! ça te va bien de dire ça toi ! tu en manges tous les jours.
- I ji suis fort comme li bouf !
- Ouais … et moi mou comme une pèche !
- Bi non, ti la manges pas !
Nous rions tous les deux.
Il n’empêche que l’idée d’Ali n’est pas si sotte. Ne pouvant pas tout produire dans mon jardin, j’ai intérêt à m’orienter vers des fruits et légumes qui marchent bien, et de les vendre ou mieux de les échanger contre d’autres produits locaux. Je le fais déjà en famille et avec les voisins. Je peux bien l’étendre à mon fournisseur de fromage de chèvre, de miel ou de vin… et avec les sous économisés, j’achète des piches, pardon des pêches bio.
Le troc, on y revient, et c’est tellement plus sympa !
J’ai échangé un couscous d’Ali – ou plutôt de sa femme – contre un repas de crêpes. Il y aura de la musique et des chants de nos cultures réciproques. Reste plus qu’à trouver les dattes et les dates !