Peuple de la terre…Mai que j’aime
Le temps des dormances n’est point. Le blé n’est pas encore lourd même si la fille montre ses jambes sous ses guenilles relevées. Nous autres, hommes de la terre, les vilains, vivons l’échine courbée, le nez planté dans les choux. Nous, peuple de la terre, n’avons rien, et craignons qu’on nous le prenne. La besogne est, soit pour la fille, soit pour les gages.
Le chemin est long mais nous cherchons à découvrir les vertus qui sont en nous et dont nous ignorons l’existence. La pluie charitable lave nos visages et embaume la lande, le val et les monts. Lorsqu’il nuitera, lorsque la faucheuse fera sa collecte, nous lui rirons en pleine face, car notre labeur aura enfanté des milliers d’herbes et de feuilles nourricières pour notre enfante. Les racines aussi, celles que le nantis du haut de ses tours nous jette en pâture, perdu dans sa croyance que ce qui vient de la terre est impur. Les racines, c’est du bon. Elles ont vu la terre nourricière de l’intérieur et en racontent les vertus.
Les maîtres du château…
… préfèrent les gigantesques cavales, écrasant les chaumines, piétinant les hameaux, ne laissant que terreur et abomination. Leur quête n’est que rapine et viole pour posséder encore plus étain, écus et valets. Dès la mort de l’hiver, les maîtres du château pansent leur destrier et astiquent le heaume, affûtent le blanc de d’épée et répètent leur chant de guerre, « sus aux sarrasins » ou à celui qui gêne, et frappant pour estourbir à tout va, ne s’encombrent pas du manant qui passent, se privant par le fait du fournisseur de leurs orgies et du foin pour leurs bestiaux.
Il nous faut, à nous peuple de la terre, combattre la peur, le péril et le tourment.
Homme fol et dément que déraison habite, éloigne-toi de cette route qui est une impasse. Reste derrière tes murailles à câliner la ribaude, et laisse les petites gens creuser le sillon, épandre les semailles, blondir l’épi, battre le grain, façonner le pain et l’enfourner jusqu’à peau craquante. Eveille-toi, soldat de terreur, avant ta capilotade. Le bien de l’au-delà se trouve ici-bas et le gain est plus grand que la mise. Regarde l’homme de la terre, aime-le, respecte-le, et tu grandiras plus haut que le chêne.
Allons au champ et que le Temps soit notre allié.