Il ose. Timidement, il ose mettre son manteau rose violacé. Après que le mois des fous soit passé et qu’Avril le frileux donne ce qu’il peut de soleil et de chaleur douce, il ose se montrer, cacher sa nudité hivernale.

Le bois gris en zigzag de l’arbre de Judée se colore. Mais très vite, le timide met en place son feuillage afin de ne pas sembler prétentieux comme les tulipes rouge sang, ou les jonquilles jaune d’or. Le Forsythia se la pète aussi, en volant la vedette à la petite spirée blanche. Les lilas pointent leurs cônes dressés et embaume l’entourage. Tous veulent qu’on les remarque. C’est le printemps, la fête des couleurs et des odeurs qu’aiment tant les lutins du jardin.

L’arbre de Judée est atteint d’une maladie incurable, le remords. C’est à ses branches dit-on, que Judas Iscariote, Judas le traître, Judas le félon, attacha la corde qui lui serra le cou jusqu’à ce que mort s’en suive. L’arbre de Judée ne s’en remet pas et essaye de se faire oublier. Il pousse dans des sols ingrats, pousse lentement, fait tout pour ne pas se faire remarquer. Mais il veut tout de même participer à la fête du printemps. Alors il montre ce qu’il sait faire, de la couleur sur un bois gris de tristesse.

La mésange lui picore bien quelques boutons floraux mais c’est pour le taquiner. Le petit emplumé fera bientôt son nid dans une fourche solide de sa ramure. Au fond de lui, l’arbre de Judée le sait et se presse à se feuiller, pour camoufler les amours avicoles.

Quelque bourdon s’attarde bruyamment, en quête de nectar.

Mais l’été venu, la brebis aime son ombre délicate, là où l’herbe est encore verte, et humide, et savoureuse.

Oh arbre de Judée, oublie l’histoire passée dont tu n’es qu’un acteur de second rôle bien malgré toi. Moi je t’aime bien, tu es dans mon jardin, pour ta couleur originale et généreuse, pour ce sol ingrat que tu défonces avec la puissance de tes racines, pour l’ombre qui aident mes fleurettes à donner le meilleur d’elles-mêmes. Tu me rappelles que l’on peut être trahit que par ses amis. Alors j’ai l’impression de t’enlever un peu de ton fardeau.

Pousse mon beau et dans la saison, je te porterai une brouette de compost, un fabriqué maison et tu m’en diras des nouvelles.

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